Aujourd'hui, le marché inondera la ravissante ville de BeauMarais. Sortant tranquillement de ma toute petite maison, j'enfilai vite fait ma jolie capuche, et clipsai la sphère qui la tenait. M'assurant que la corne de Geit était toujours là et bien accrochée, je jetais un coup d'oeil aux alentours et finis pas sautiller gaiement vers centre de la ville. Avec agilité, je me faufilai dans les ruelles étroites : raccourcis que j'empruntais presque tous les jours. Ce matin, le sol était encore frais et légèrement mouillé. Je dois avouer que j'aimais énormément cette sensation d'humidité sous mes coussinets. Etrange pour un chat d'aimer l'eau, n'est-ce pas ? Tandis que la rosée qui perlait sur quelques toiles d'araignées s'évaporait doucement, le soleil, lui, décida de montrer le bout de son museau, laissant ses agréables rayons caresser mon pelage et ma peau brûlée.

Arrivée au marché, je penchai légèrement la tête en arrière afin d'observer les alentours. Ma capuche tombait sur mon museau, ce qui n'était pas forcément très pratique, mais en aucun cas je m'en séparerai. D'ailleurs, cela faisait un moment que je n'avais pas revue ma chère amie, j'espère qu'elle va bien. Quand j'aurai du temps, je lui rendrais visite à VertAbysse. Je secouai légèrement la tête, il fallait que je me concentre sur le marché, désormais. Je penserais à elle plus tard. Regardant à droite, puis à gauche, mon œil se tourna vers une petite chienne qui m'avais l'air bien riche. Ornée de plusieurs bracelets, colliers et boucles d'oreilles dorés et argentés, la canidé parlait avec une autre noble et semblait bien s'amuser. Je baissai la tête, le sourire en coin. Voilà ma nouvelle proie.

Tout d'un coup, je me mis à courir, tête basse, comme un bélier. Je fonçai à tout allure entre les nombreuses pattes d'animaux qui venaient faire le courses. Je poussai un petit miaulement apeuré et bouscula brutalement la noble canidé. A peine plus grande que moi, elle roula avec moi sur le sol dur, jusqu'à ce que tout nous nous atterrissions dans un grand panier vide, couché. Toute étourdie, elle ne fit même pas attention que j'enlevai discrètement tous ses bracelets et colliers. Dans le feu de l'action, j'ouvris une brèche dans l'espace et y déposa tous les précieux objets. Satisfaite, je sortis du panier en poussant des miaulements effrayés.

"Pardonnez-moi, madame ! Pardonnez-moi ! fis-je en l'aidant à sortir du panier, ce n'était point mon intention, désolée d'avoir salit votre si joli pelage"

Elle hocha longuement la tête tout en me laissant l'aider. Elle me foudroya du regard et je fis rapidement :

"C'est ce satané corbeau sauvage qui m'a attaqué je ne sais pour qu'elle raison"

Je tournai mon museau vers une ruelle et lorsque la chienne ainsi que tous les témoins plissèrent les yeux vers la direction que j'avais indiqué, j'en profitai pour prendre mes pattes à mon cou, tout aussi discrètement que lorsque j'ai volé les objets rares. La brèche a largement eu le temps de se refermer et moi, je possédais désormais un jolie petit trésor scintillant. Je filai et ricanai lorsque j'entendis la canidé hurler de rage. Déjà partie trop loin pour être suivie et attrapée, je m'arrêtai sur un petit banc près d'une rivière. Tranquillement installée, je profitai de la douce chaleur matinale tout en observant avec contemplation l'eau fraîche et pure qui s'écoulait avec grâce.

Mon unique oreille se dressa soudainement. Une drôle d'odeur attira mon attention et tout mon corps se raidit, n'osant même pas me retourner pour voir de quoi il s'agissait. Quelqu'un m'aurait-il finalement suivit ?

Je souris, soulagée. Evidemment que l'on ne m'avait pas suivis, qu'elle idée ! Personne n'arrive à m'attraper. Mon seul oeil se tourna vers une petite boule de poil bleue et rouge qui s'avérait être un chiot. L'adorable canidé m'observait avec inquiétude. Pourquoi ? Je suivis alors son regard et... Oh... C'est à cause de mes brûlures, je pense.

"ça va madame ? vous avez bobo ? vous avez pas l'air bien...
- Ne t'inquiète pas, mon petit. Tu sais, j'ai connu bien pire que cela ! fis-je après avoir laissé échapper un léger rire amusé.

Je souris une nouvelle fois. La bouille de ce chiot m'attendrissait, j'adorais les enfants. Leurs pattes maladroites, leurs yeux pétillants, l'âme à toujours vouloir jouer. Dire que je n'ai jamais eu cette chance. Mon enfance ratée ne m'a jamais laissé place aux jeux et à l'amusement et encore moins à cette adorable innocence... J'ai toujours vécu dans le malheur, arrachée à tout. Et dès que tout commençait à aller bien... Eh bien non. La vie trouvait toujours le moyen de jouer avec ma misérable existence. Je reniflai pour me faire sortir de mes pensées et regardai avec attention le petit chiot.

"Dis moi, d'où viens-tu ? Tes parents doivent te chercher, non ?"

J'inclinai légèrement la tête sur le côté. C'est vrai ça... C'est assez étrange qu'aucun adulte ne soit près de lui. Peut-être est-il orphelin lui aussi... Ou alors il se serait perdu ? Intriguée, j'attendais la réponse du petit canidé.

"Je viens d'Ismar et heu... Mes parents ne viendront pas, ils sont là bas, bien contents que je ne sois plus la... "

Je baissai légèrement la tête. Alors lui aussi, ses parents ne voulaient plus de lui ? Jamais je ne comprendrais ce genre de comportement. Lorsqu'on a des petits, il faut l'assumer, il faut même en être fier ! Pourquoi les gens sont-ils tous si cruels ! Je repassai mon attention vers le chiot. Après tout, je ne peux pas vraiment cracher sur la conduite de ses parents, je ne les connais et je ne connais pas non plus le passé du petit être à la fourrure bleue et rouge. Celui-ci n'avait d'ailleurs pas l'intention de m'en dire plus et passa vite à un autre sujet. Le regard interrogateur, il me demanda :

"Et toi, elle est où ton autre oreille ? Tu entends bien ? et tu as pas froid avec moins de poils ?"

J'émis un petit rire attendrit. Je me couchai sur le banc et plongeai mon seul oeil qu'il me reste dans son regard.

"Mon autre oreille ? C'est une bien longue histoire, mais si tu as du temps, j'accepte de te la raconter. Et pour répondre à tes autres questions, en effet, j'entends un peu moins bien, mais mon oreille valide entend très bien, elle. Ça ne me gêne donc pas vraiment."

Je souris légèrement et frottai la tête du petit chien du bout de la patte tout en posant ma joue sur ma deuxième brûlure, le regard pensif.

"Et non, je n'ai pas froid. Ici à Unelma, il fait plutôt doux."

Je fis une petite pause et me rassied.

"Au fait, comment t'appelles-tu mon p'tit ?"

"Je veux bien savoir l'histoire de ton oreille. Et je m'appelle Doggyblue, et toi comment tu t'appelles ? "

Heureuse d'avoir un peu de compagnie, je fis d'un air joyeux :

"Ravie de faire ta connaissance, DoggyBlue ! Ici, tout le monde m'appelle Karma !"

Du haut de mon banc, le regard malicieux et le sourire en coin, je commençai à conter ma plus horrible mésaventure.

"Eh bien, pour commencer, suite à un long et exténuant voyage, je fus accueillie dans un petit centre médical. Je fis de belles rencontres mais la vie ne m'a jamais réellement sourit. Lors d'une nuit sans étoile et inquiétante, le silence régnait. Tout était normal. Enfin..."

Je marquai une petite pause et d'un bond gracieux, je descendis de mon perchoir et atterris derrière le chiot.

"Jusqu'au moment où des flammes infernales envahirent tout l'espace, léchant de leur langue démoniaques le toit et les murs du centre."

Tout en tournant autour du petit presque aussi grand que moi, j'haussai le ton et imitai la scène.

"Moi, petite chatte frêle et fragile, j'étais apeurée face à ce déluge ardent qui dévorait tout sur son passage. Mes poumons me brûlaient comme si que de la braise s'y était enfouis. L'effroi et la douleur m'empêchaient de crier à l'aide. Je toussai, victime de l'horrible fumée noire et épaisse. Et lorsque l'espoir fit renaître mon regard en apercevant une fenêtre, le destin me l'arracha brutalement."

Je levai les yeux vers le ciel, ma seule oreille plaquée contre mon crâne comme si que je revivais une seconde fois cette scène atroce.

"Le toit s'effondra, déchirant et brûlant toute la partie droite de mon visage, arrachant et emportant avec lui, ma deuxième oreille."

Je m'assied, le souffle court. Cette partie de mon passé m'avait tellement terrorisé que mon cœur battait la chamade, le regard perdu dans le vide. Je posai une patte tremblante sur ma brûlure à l’œil, comme si que celui-ci venait tout juste d'être blessé. Je la fis ensuite glisser sur la base mon oreille manquante, sentant le poil dur et sec qui l'entourait. Je poussai un long soupire et passai mon attention sur le petit.

"Voilà, tu connais désormais m'a plus affreuse mésaventure... Celle qui m'a laissé le plus de séquelles."

Je secouai ma tête et abordai mon habituel sourire. Légèrement gênée, je baissai le regard et fis doucement :

"Excuse moi si je t'ai fait peur"

J'esquissai un sourire mesquin en entendant le ventre du chiot gargouiller.

"Heu et bien je... Je ne voudrais pas t'embêter... Je crois que je mange pas trop trop pareil que les autres canidés... "

Je penchai légèrement la tête. Comment ça il ne mangeait pas comme les autres canidés ? J'haussai les épaules. Peu importe. J'ai de tout chez moi. Bon certes, il y a pas mal de poissons et de viandes, mais je mange aussi des fruits, quelques légumes ainsi que des produits laitiers. Et puis, j'ai fais quelques provisions ces derniers jours. Et pour une fois, je n'ai rien volé ! Ma pensée se concentra sur la grosse meule de fromage soigneusement entourée d'un grand torchon, posée dans un placard de ma maisonnette. Oui bon... J'ai presque rien volé. Elle était si belle ! Et si coûteuse... J'ai pas pu résister ! Mon ventre aussi se mit à gargouiller et j'émis un petit ronron amusé.

"Ne t'en fais pas ! J'ai largement ce qu'il faut chez moi. J'ai tellement de chose que tu devrais facilement trouver ton bonheur !"

Je me levai d'un bon et fis d'un ton toujours joyeux et enthousiaste :

"Aller, viens ! Avant de finir par mourir de faim !"