Sujet: La ville dans les arbres | PV. Pallav Mar 27 Juin - 13:48 Une ville suspendue dans un arbre millénaire. Quel meilleur lieu de vie pour un volatile voyageur en repos? C'était à se demander.
Fleevehiä avait déjà entendu parler de JusteChêne, mais comme pour beaucoup d'autres lieux, elle qui découvrait tout juste le monde, elle expérimentait cet endroit pour la première fois. Et pour une fois, dans sa petite vie; pour une fois, enfin, elle trouvait l'endroit beau.
Ces feuilles qui faisaient comme un toit, protégeant le village suspendu. Ce tronc immense à l'écorce nouée qui se dressait en son centre. Ces énormes branches protectrices robustes dont le temps ne faisait que les solidifier... Tout s'assemblait dans une harmonie parfaite qui plaisait à l'oiseau bleu. Il fallait bien l'admettre, ce n'était pas son dieu, mais si Geit était réellement le créateur de cet endroit, alors il avait fait un travail merveilleux. C'était un fait, bien que non mathématique, qui demeurait dans l'esprit du geai comme une vérité immuable: une telle beauté était impossible à retranscrire sur un tableau, même pas le plus talentueux des peintres des trois royaumes.
C'était là chose difficile à croire, car Fleeheviä ayant fait du voyage son métier voyageait incessamment. Pourtant, elle adorait lire. À vrai dire, elle avait passé son enfance à lire. Des livres d'image, des comptes d'aventure, des récits fantastiques… Ces mêmes livres qui avaient probablement corrompu son petit esprit innocent, la poussant à mentir pour prendre la fuite de la maison, et rejoindre cet univers qu'ils lui avaient fait découvrir, en dehors des murs de BrûleSable.
Oui, les livres avaient décidément un pouvoir de dissuasion fascinant, quand on prenait le temps de leur accorder de l'importance.
Le problème avec ces derniers, c'est qu'ils n'avaient pas de parole. Ainsi, Fleeheviä ne pouvait en dénouer le vrai du faux. Elle devait donc laisser de côté la maîtrise de son pouvoir, et s'abandonner à une entière confiance envers l'auteur de ces derniers. Et ce n'était pas chose toujours aisée. Certains écrits semblaient si irréels qu'il était difficile de les croire, et pourtant… Quand elle l'avait lu pour la première fois, comment aurait-elle pu croire qu'il existait un arbre assez grand pour soutenir un village entre ses branche, elle qui ne connaissait du monde que les murs de grès et de pierre de sa ville natale il y a encore de cela quelques mois?
Lorsqu'on lui avait annoncé que cette journée là, elle avait permission, elle avait profité de sa présence sur Unelma pour venir voir enfin cet arbre qui hantait ses rêves les plus fous depuis qu'elle en avait apprit l'existence.
Mais Fleeheviä était avare. Avare de connaissance. Elle en voulait toujours plus, et voulait découvrir plus de choses à chaque fois, ne pouvant se contenter de profiter de l'instant et de cette sorte de liberté illusoire que lui offrait son ignorance.
Le contenu de la boite de Pandore était un cadeau empoisonné. Faire sienne toutes les connaissances du monde, c'était également accepter les horreurs qui le régissait. Si une telle relique existait quelque part, ceux qui s'étaient risqués à l'ouvrir avaient probablement fait le choix de mort bien rapidement après cela… Malgré cela, nul doute que l'oiseau pirate se serait jeté dessus sans davantage de questionnement, en ce moment même, si elle l'avait entre les pattes. Mais n'était-ce pas mieux de découvrir le monde à petit feu, pour profiter pleinement de chaque nouvel instant?
La bibliothèque était bien plus impressionnante encore que la ville en elle même. Ou en tout cas, c'est ce qu'elle pensait. L'arbre creux protégeait de tout intempérie les milliers de livres qu'il hébergeait. Ces derniers étaient classés par genres et catégories, dans l'ordre alphabétique selon le nom de l'auteur. Des livres parfois vieux de plus de cent ans, portant même parfois entre leur pages des langues mortes désormais déchiffrables par les experts eux-mêmes.
Les livres détenaient le savoir du monde. Et ceux qui détenaient ce savoir détenaient ce pouvoir.
Un escalier en colimasson serpentait sur la paroi interne renforcée de l'arbre. Il menait à diverses plateformes, comme des paliers, où se tenaient chaises, tables et canapés, les lieux les plus confortables étant bien évidemment réservés aux animaux. Plus l'on montait d'étage, et plus l'on obtenait de connaissances. Et pour des raisons presque évidentes, il était rare de voir des hybrides si haut. Aux yeux du monde, une telle abomination dotée de connaissances supérieures à celles des animaux étaient un danger. On en deviendrait potentiellement dépendant, leur devrait un certain respect, et c'était là bien trop demander à la plupart de la haute-cour.
Sauf pour Fleeheviä. Elle s'en moquait un peu, ne côtoyant que très peu ces chimères.
La plupart des livres les plus intéressants étaient plus grand que l'oiseau lui-même. Et bien plus lourd également. C'était dans ces moments là qu'elle ne refuserait pas l'achat d'un hybride, plus grand et plus fort, pour l'aider dans certaines taches. Si sa petite taille lui offrait une certaine minutie et discretion, il possédait également de nombreux inconvénients.
Elle tira donc vers elle un livre de son étagère, le saisissant délicatement par ses serres. Sa couverture bleue recouvertes de fines couches d'argent et d'or blanc témoignait de sa valeur. Il portait le titre "Contes d'Ismàr et autres légendes".
Malheureusement, ce dernier fut bien trop lourd et encombrant, et lui échappa bien rapidement. À sa grande surprise, il ne fit pas le bruit sourd d'un lourd objet s'écrasant sur un sol de bois, mais semblait avoir été amorti par quelque chose. Ou plutôt… quelqu'un.
Une sorte de chien à la queue de scorpion se tenait là, venant de se prendre un livre de plus de 400 pages et faisant environ 30 centimètres de haut sur la tête.
- Par Kottür! Vous n'avez rien? s'exclama Fleeheviä.
Ses paroles s'adressaient à la fois au livre et à l'hybride. Et peut-être même plus à l'un qu'à l'autre....